De la parole à la preuve : les 5 actions incontournables de l'Architecte à ne pas louper après la réunion de chantier
- V6R.Chitecture

- 20 oct.
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Le suivi de chantier est l'incarnation de la responsabilité de la Maîtrise d'Œuvre (MOE). Bien au-delà de la simple présence sur site, il s'agit d'une obligation contractuelle de surveillance, de coordination et de conseil dont les implications juridiques sont majeures, notamment en cas de sinistre décennal.
La réunion de chantier hebdomadaire n'est pas une simple formalité, mais le moment où l'information technique, financière et calendaire converge, et où les décisions clés sont actées.
Cependant, une décision non formalisée est un risque ouvert. Pour sécuriser la bonne exécution des travaux et se prémunir contre les mises en cause de sa responsabilité (DET – Direction de l'Exécution des Travaux), l'Architecte ou Maître d'Œuvre doit suivre une checklist rigoureuse immédiatement après la clôture de la réunion. S'appuyant sur les principes de prévention prônés par la MAF (Mutuelle des Architectes Français) et l'Ordre des Architectes, voici les cinq actions post-réunion qui transforment les échanges en preuves juridiques.
La célérité du compte rendu de chantier (CRC)
Le Compte Rendu de chantier est l'outil central de la gestion de projet et, par essence, une pièce à conviction en cas de contentieux. Sa valeur probante dépend directement de sa diffusion immédiate.
L'impératif temporel : Le CRC doit être rédigé et envoyé à toutes les parties prenantes (Maître d'Ouvrage, entreprises, bureaux d'études, CSPS, etc.) dans les 48 heures suivant la réunion.
Contenu sécurisé. Il ne doit rien omettre : la liste des participants/absents, l'état d'avancement par lots, les constats de malfaçons/non-conformités (avec photos si possible), et surtout, le corpus des décisions prises.
La Clause d'opposition : Le CRC doit stipuler que, sauf contestation écrite motivée sous un délai très court (72 heures), son contenu est réputé accepté par l'ensemble des destinataires. Le silence vaut présomption d'acceptation, essentiel pour l'engagement des entreprises sur des solutions techniques ou des dates butoirs.
2. Le Quadriptyque de l'action : Qui, Quoi, Quand, Comment
Un CRC de qualité est celui qui est opérationnel. Il doit bannir toute ambiguïté sur la marche à suivre.
Assignation nominative : pour chaque point d'action ("reprise d'une arase défectueuse", "transmission du plan d'exécution des armatures"), il est impératif d'identifier clairement et nominativement l'entreprise ou l'intervenant responsable.
Délai non négociable : Un délai précis (date butoir ou durée) doit être associé à l'action. Par exemple, au lieu de "dès que possible", on inscrira : "Entreprise X s'engage à fournir l'échantillon du revêtement de sol avant le 22/10/2025".
Sécurisation : ce formalisme permet de tracer la responsabilité des retards et des manquements. Il sert de base pour l'établissement ultérieur de mises en demeure en cas de non-respect des engagements.
3. L'Ordre de Service (OS) ou l'avenant : La conversion du verbal en contractuel
Toute modification du marché initial – qu'elle soit d'ordre technique, financière ou calendaire – doit être contractuellement actée.
Formalisation des décisions : Si la réunion valide un travail supplémentaire, un changement de matériau (avec impact financier) ou un glissement de planning, l'Architecte doit immédiatement préparer l'Ordre de Service (OS) pour démarrer les travaux ou l'Avenant au Marché pour modifier les clauses financières/temporelles.
Devoir de conseil financier : L'Architecte engage sa responsabilité s'il laisse le Maître d'Ouvrage (MOA) s'engager dans des travaux additionnels sans l'avoir alerté formellement sur les conséquences financières et avoir obtenu son accord écrit préalable. Les assureurs insistent sur la nécessité d'une signature du MOA pour toute dépense non prévue.
Sécurisation : L'émission de l'OS est la seule preuve juridique d'une commande passée. Elle protège l'Architecte contre l'accusation d'avoir autorisé ou ordonné des travaux hors marché sans mandat du MOA.
4. La Mise en demeure systématique : L'usage averti de la sanction
Face à une entreprise manifestant des signes de défaillance (retards répétés, défauts de qualité, insuffisance de moyens), l'Architecte a le devoir d'agir fermement, comme le souligne la jurisprudence.
Seuil critique : Si le CRC fait état de manquements non corrigés ou de l'absence persistante à des réunions clés, l'Architecte ne doit pas se contenter d'une mention dans le CR.
Alerte formelle : Une mise en demeure doit être envoyée par lettre recommandée avec avis de réception (LRAR), listant les griefs, rappelant les obligations contractuelles, et fixant un ultime délai avant l'application de pénalités de retard ou l'engagement de la procédure de résiliation du marché.
Sécurisation : La mise en demeure est l'étape juridique indispensable avant toute action radicale (résiliation, substitution d'entreprise). Elle prouve la diligence de la MOE à gérer une situation de crise et établit le point de départ des pénalités contractuelles.
5. La Vérification des attestations d'assurance : une surveillance continue
Bien que vérifiées au démarrage, les assurances des entreprises peuvent expirer ou être résiliées en cours de chantier, mettant en péril la couverture globale du projet.
Point de contrôle : L'Architecte doit s'assurer que les assurances de Responsabilité Civile Décennale (RCD) des entreprises restent valides, notamment lors de la survenance d'évènements critiques (changement d'entreprise, défaillance, période de suspension).
Obligation de conseil : En cas de doute ou de signes de fragilité, l'Architecte a le devoir de rappeler au Maître d'Ouvrage son obligation de vérifier la validité des attestations.
Sécurisation : le défaut d'assurance d'une entreprise intervenante peut engager la responsabilité de l'Architecte s'il n'a pas alerté formellement le MOA. Le contrôle régulier et la trace écrite de cette vérification sont essentiels à la sécurisation globale du chantier, comme le rappellent les assureurs comme la SMABTP.
Conclusion : L'Architecture de la Preuve
Pour l'Architecte, l'après-réunion est le moment où il matérialise son autorité et sa responsabilité. Ces 5 actions détaillées constituent la colonne vertébrale d'une gestion de chantier professionnelle, réduisant le risque. Le rôle de la Maîtrise d'Œuvre est, in fine, de construire non seulement l'ouvrage, mais aussi l'architecture documentaire de sa conformité et de sa sécurité juridique.







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